BIOGRAPHIE
 
Tony Parker  
 
- Le basket, une fatalité
Consciencieusement, Tony Parker archive. Il tourne les pages de ce gros classeur rouge, commente les statistiques, les photos, les articles qui retracent sa jeune carrière, et vous persuade d'une chose au moins : le basket est une fatalité à laquelle il ne pouvait échapper.
Avant que la presse ne s'étale, dithyrambique, on s'arrête volontiers sur ce premier cliché. Un petit bonhomme en survêtement gris et rouge se tient debout, un ballon à la main. " Il avait 18 mois. Il est mignon, hein ? " Dans cette remarque, la fierté de Pamela se dispute la tendresse d'une mère. Mais l'instantané évoque aussi la filiation paternel.
Les béotiens l'ignorent, mais aucun des amateurs de basket ne s'y trompe : William Tony Parker porte le même nom que son père (et son grand-père), il s'est surtout lancé dans la même carrière sportive que lui. Originaire de Chicago, Tony Parker senior était un excellent défenseur, qui aurait pu évoluer avec les Bulls. Bardé d'une honnête réputation outre-Atlantique, il a écumé les Championnats des Pays-Bas, de Belgique, avant de finir sa carrière de joueur en France (vainqueur de la Coupe de France en 1984) et commenter les matchs de NBA sur France 3.
Evidemment, le petit Tony, mais aussi ses deux jeunes frères, Terence et Pierre, ont été vite atteints par le virus. Après le divorce de leurs parents, ils ont vécu avec leur père, assistant à ses matchs. Aujourd'hui, l'aîné est considéré comme l'un des plus prodigieux juniors français, Terence (16 ans) était dans le collectif espoir du PS-G la saison dernière, alors que Pierre (14 ans) progresse au pôle espoirs de Rouen, où les trois frères ont fait leurs armes.
- Une question de famille
Si vous avez la chance de passer un moment chez lui, dans le grand appartement de Boulogne-Billancourt, vous risquez fort d'y croiser quelques membres de la famille et comprendre que les Parker oscillent entre deux monde : le basket et la mode.
Américaine-hollandaise, Pamela était encore un mannequin réputé (aujourd'hui naturopathe), lorsqu'elle rencontra à Amsterdam William Tony Parker, père de ses trois fils. Ce jour-là, elle s'amuse devant de vieux clichés, regarde avec l'œil critique de la professionnelle, le book de sa nièce Amélie, fille d'Anne-Marie et Jean-Pierre Staelens.
Ce nom justement renvoie directement au milieu du basket. Et on ne peut que comprendre l'influence de ce dernier sur Tony, son filleul. Jean-Pierre Staelens reste l'homme aux 100 sélections, toujours détenteur d'un record mythique (71 pts marqués en une rencontre avec Denain, en ce jour de 1967, face à Valenciennes). C'est lui, le premier, qui avait repéré Tony Parker senior aux Etats-Unis, en 1978, bien avant de devenir l'agent du fils. Il est décédé brutalement d'un accident cardiaque le 31 décembre 1999, mais reste très présent dans la famille.
- Une progression fulgurante
Le hasard l'a voulu : c'est à Bruges que Tony est né. D'où une récente confusion d'ailleurs, quand un speaker américain le présente comme un joueur belge. Mais passons sur l'anecdote et revenons à nos rebonds.
" Quand on était petit, on déménageait tout le temps, explique-t-il. On suivait notre père. " Au gré des contrats paternels, la caravane Parker a fait escale à Gravelines, Denain, Fécamp… et Rouen. C'est là que les frangins ont fixé leurs racines et débuté dans le basket.
Mais c'est par le football que Tony a débuté. " Je jouais avant-centre, j'adorais marquer des buts ", dit-il. Pourtant, en voyant évoluer Michael Jordan, il opte pour le basket et s'inspire de la méga-star des Bulls. " En 1996, j'étais en vacances dans ma famille à Chicago, raconte Tony. Grâce à mon oncle, on a pu assister à un entraînement avec mes frères et mon cousin. On a parlé avec Scottie Pippen et on a pris une photo avec Jordan ! " Ce moment magique a été immortalisé et la photo est encadrée dans sa chambre, alors que le " good luck " du maître reste gravé dans sa mémoire. Cela dit, c'est à son père qu'il fait référence lorsqu'il parle d'exemple : " Je voudrais suivre l'exemple de mon père, mais en faisant mieux ", lâche-t-il. Ne voyez pas une morgue démesurée dans ces paroles, ce n'est pas le genre de la maison. Mais Tony Parker est conscient de sa valeur et de sa progression fulgurante. " J'ai des qualités de vitesse et d'agilité, admet-il. Surtout, je fais tout plus vite que les autres, j'apprends plus vite. Chaque fois, j'ai joué surclassé. Jamais avec des gars de mon âge. Mais c'est comme ça qu'on progresse. Du coup, j'ai explosé vachement tôt. "
En revanche, il a pris son temps pour grapiller des centimètres. Et avant que sa croissance tardive (vers 15 ans) le hisse à 1,86m, sa petite taille avait déjà décidé de son poste. " Je suis meneur, un poste clé parce que c'est toi qui t'occupes de tout. Victoire ou défaite dépendent de ta performance. C'est toi qui annonces les systèmes, qui décides d'accélérer, de ralentir, tu as tout le temps la balle en main. " Une responsabilité qu'il assume parfaitement. " J'aime bien avoir de la pression. Y compris celle des médias. C'est comme ça que tu te surpasses. "  De l'INSEP au PSG
_Elu MVP du tournoi minimes de Salbris (1997), Tony est repéré par Lucien Legrand. L'entraîneur de la sélection des cadets et du centre fédéral de l'INSEP en profite pour embarquer le gamin dans cette double aventure. " J'avais des contacts avec plusieurs clubs, et j'avais même déjà choisi de partir à Cholet. Après ma visite de l'INSEP, j'ai changé d'avis. "
Quatrième européen avec les cadets 81 (alors qu'il est né en 82), Tony confirme de suite ses qualités de chef d'orchestre. Il excelle en pénétration, se montre adroit devant le panier. Et lors de cette première année à l'INSEP, tourne à 15 pts de moyenne. Tony Parker a à peine 16 ans, mais ne s'en laisse déjà plus compter par les vieux briscards qui écument la Nationale 2. L'équipe de l'INSEP enregistre cette année-là son meilleur résultat, elle sera un peu plus décevante la saison suivante, en Nationale 1, mais Parker réussira, lui, à tirer son épingle du jeu. " En N2, certains matchs nous ennuyaient, reconnaît-il. En N1, la concurrence est plus rude physiquement. Mes adversaires me chambrent parce que je suis jeune et la cible à abattre. On me pousse, on me traite de petit morveux, mais bon... " Humble malgré ses ambitions, T.P. (prononcez Tipi, son surnom) encaisse sans broncher. Il sait que c'est un passage obligé pour voir plus haut. D'ailleurs, dans la foulée, il signe pour le Paris Saint-Germain et la Pro A.
Chamboulement. Tony Parker doit accommoder une nouvelle fois sa vie. Fini l'internat de l'INSEP, T.P. emménage dans un appartement à Boulogne-Billancourt, qu'il partage avec sa mère et Terrence. Il se débrouille pour poursuivre sa terminale STT (commerce) en jonglant avec les deux entraînements quotidiens du PS-G. Là, il apprend à patienter, à avaler quelques couleuvres. " Derrière un meneur comme Laurent Sciarra, ce n'est pas facile de s'affirmer. Il joue quasiment tout le temps, et a même réussi l'une de ses meilleures saisons. " Pas de jalousie cependant dans la voix de Tony. Il sait que c'était une année de transition. " J'ai beaucoup appris au niveau professionnel, en regardant comment on gère une équipe. " Il l'a prouvé lors du prestigieux Nike Hoop Summit.

- Le rêve américain
" Pour tout basketteur, le rêve c'est d'aller jouer en NBA. C'est là qu'il y a les meilleurs joueurs. En France, tu parles aux gamins, ils connaissent tous les mecs de la NBA, pas un seul de Pro A. Et puis, même si ce n'est pas le principal, il faut savoir que le plus mauvais en NBA gagne autant d'argent que le meilleur français. Et sans les impôts… " Si vous branchez Tony Parker sur le thème des Etats-Unis, il embraye et ne s'arrête plus.
Pour lui, la NBA, c'est le but ultime, le seul qui motive sa carrière. Et, a priori, le rêve devrait devenir réalité assez vite. Cette année, il a ainsi été retenu pour participer à Nike Hoop Summit, une sélection mondiale contre les meilleurs juniors américains. Il y a tapé dans l'œil des recruteurs par son jeu et ses stats impressionnantes. Depuis, il est courtisé par toutes les universités américaines pour jouer en NCAA. " C'est mon père qui prend les contacts. Parce qu' aux Etats-Unis, ils sont très isolationnistes, mais qu'en passant par mon père, ils ne retiennent qu'une chose, c'est que je suis à moitié américain. Rien que mon nom sonne en ma faveur : Tony Parker, c'est pas français. A l'inverse, tu regardes un Rigaudeau, il est vachement fort, l'un des meilleurs européens, mais il n'arrive pas à aller aux Etats-Unis parce que pour les Américains, ceux qui ne sont pas de chez eux ne savent pas jouer. "
Conscient des règles de ce milieu, de l'aspect " politique " à adopter pour réussir, Tony Parker avance à grands pas. Il n'a pas peur de partir, a été éduqué dans la mentalité américaine -" A la maison, mon père parle anglais, je réponds en français, mais au PS-G, je servais de traducteur aux Américains ", raconte-t-il. D'ailleurs, à la fin de la saison dernière, Tony avait fait son choix : son bac en poche, en septembre, il s'envolerait pour Georgia Tech, envisageait deux saisons en NCAA, avant de briguer la draft pour la NBA.
- Avenir en pourparler
Mais ce départ ne sera peut-être pas aussi précipité. Comme il l'avait envisagé au début, Tony Parker devrait rester au moins une saison de plus au PS-G. " Charles Bietry m'avait promis que j'allais être premier meneur, que l'équipe allait tourner autour de moi et Cyril Jullian ", expliquait-il, avant que Louis Nicollin, le président du club de foot de Montpellier, ne reprenne les rênes de l'équipe parisienne et décide de garder Didier Dobbels, l'entraîneur en poste, et Laurent Sciarra.
Mais il vient d'y avoir un retournement de situation. L'an prochain, c'est un coach américain, Ron Steward, qui entraînera le PS-G. Ce qui change tout pour Tony. " Je le connais bien, se réjouit-il. Il m'a dit qu'il me ferait jouer et le PS-G m'a refait une offre très intéressante. " Depuis, la négociation a pris forme, d'autant que, dans l'intervalle, T.P. a ajouté une ligne à son palmarès. Avec l'équipe de France juniors, à Zadar (Croatie), il a obtenu ce qu'il convoitait, le titre de champion d'Europe de la catégorie -ce que seule la génération de 1992 avait réalisé jusque là-, en même temps que celui de MVP du tournoi.
- Du rêve à la réalité
A la tête d'une équipe composée de jeunes joueurs (Diarra, Sylla, Rupert), Tony tente de mener le PBR au sommet du championnat. Mais très vite, cette équipe pétrit de talents montre ses limites. Irréguliers, les " Metropolitains " alternent le bon et le moins bon, et terminent à la 8e place de la saison régulière, dernière place qualificative pour les play-offs. Face à l'ogre du championnat, l'ASVEL, Paris " explose " au cours des deux matches. " Villeurbanne a montré qu'ils étaient plus forts que nous. Franchement, quand ils jouent comme ça, je ne vois vraiment pas qui peut les battre. Ils ont été constants pendant les deux matches et il n'y a vraiment rien à dire. On était dépassé, ils étaient plus en rythme et voilà. Ca donne un écart de 30 points sur les deux matches. De mon côté, je suis fatigué. Je ne sais pas pourquoi mais je suis réellement cassé. Les quelques jours de repos arrivent au bon moment parce que la saison a été longue. " Mais pour T.P., le plus important reste à venir. Le prodige du basket français a décidé de se présenter à la draft 2001 et de réaliser son rêve : fouler les parquets de la NBA dès la saison prochaine. Après des works-out de rêve, TP voit son nom sortir le 27 juin à la 28e place de la draft. Direction les Spurs de San Antonio, champions NBA en 1999. " C'est l'équipe dans laquelle je voulais évoluer. Elle fait partie des trois meilleurs équipes de la NBA et ils ont dans leur effectif deux grands joueurs, Tim Duncan et David Robinson. Ca va être fort ! Jouer avec eux, ça va me changer du championnat de France. C'est évident, ils vont me rendre le jeu plus facile".